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~ émoi ~ ~ Texte de Ariane ~ |
Dans la vaste cabine d'essayage, voici face à moi ce
vêtement qui s'est déjà
emparé de mon esprit, intimidée à
l'idée de lui confier mon corps, comme s'il était
un amant prêt à me prendre. En douceur, les
reflets du satin l'annoncent, mais sans faiblesse, vingt et un oeillets
de chaque côté du dos, un long réseau
de lacet noir me le démontrent. Je caresse
l'étoffe d'une main hésitante, je sens la ferme
élasticité des baleines, l'extérieur
lisse et moiré. Comment vais-je tenir là dedans ?
L'amicale vendeuse m'a laissée seule, s'offrant à
venir m'aider à tout moment, tout sourire et
complicité. Je crois que j'aimerais mieux qu'elle me dirige
fermement et sévèrement, mon angoisse
céderait au désir de lui plaire. Mais non, ce
sera pour plus tard, pour Hélène qui attend.
Allons-y. Je déboutonne ma blouse, je défais mon
soutien-gorge. Ces gestes familiers, je les accomplis un peu
solennellement, face au grand miroir doucement
éclairé.Malgré la
température idéale, l'ambiance de
tranquilité domestique de ce petit salon d'essayage, mes
mamelons sont durs et sensibles. Un noeud à l'estomac, je
prends enfin le corset de mes deux mains, je le présente
devant moi. Un très bel objet, une folie chatoyante et
souple. Le vêtement se ferme par des agrafes sur son devant:
je passe un pan dans mon dos et je le replie sur moi. Les pinces des
jarretelles glissent en cliquetant le long de ma ceinture, je me scrute
dans le miroir en fermant une première agrafe sur mon
ventre, une autre, il y en a une demi-douzaine. Les balconnets sont
comme en suspens sous mes seins, les mamelons pointant au-dessus de
leur bordure lisérée de blanc. Sur les conseils
de la vendeuse j'avais bien desserré le laçage:
le corset m'enveloppe mollement, je sens à peine son contact
sur mon dos et mon ventre, le bas pend au-dessus de ma ceinture. Je me
traite d'idiote, il faut bien sûr enlever ma jupe.
J'ôte mes chaussures, je défais ma ceinture en
évaluant dans le miroir l'aspect de cette nouvelle Ariane.
Hum. Ne pas céder au doute, juste abandonner la jupe
à terre, le frisson quand elle glisse sur mes bas, me voici.
Je me tourne un peu pour me voir de profil. Cet étui un peu
flasque s'ouvre sur mes seins, s'épanouit sur mes hanches,
j'ai la vision de deux fleurs tête-bêche. Sur ma
peau claire et mate, les nuances de noir s'étagent : le noir
luisant et massif du corset, la dentelle un peu floue du string, les
bas translucides avec la barre de la jarretière. Pas mal
cette fille.
Je respire fort, j'ai un peu chaud. Un peu cambrée, mes
mains dans mon dos cherchent le lacet. Où donc en sont les
bouts ? mes doigts farfouillent, tirent au hasard sur des boucles, je
me contorsionne pour essayer de les voir dans le miroir. Je n'y
comprends rien, je tire et je ne sens pas le tissu se resserrer sur
moi, il reste comme presque n'importe quel haut un peu raide. Mes bras
mal habitués à l'exercice échappent
à mon contrôle. Trop crispée, Ariane.
Mes mains retombent, j'essaie de respirer calmement et de reprendre un
filet de voix pour appeler la vendeuse. Un frôlement de
rideau, la voici, je sens son regard me détailler pendant
que son sourire, elle a déjà compris, me propose:
"Je vais vous aider Mademoiselle, détendez-vous et
asseyez-vous sur ce tabouret". Maintenant à ma hauteur, elle
plaque sur moi le devant du corset et en vérifie
l'ajustement. La pression de ses mains me rassure et
m'émeut, je la regarde timidement pendant qu'elle lisse le
vêtement sur mon ventre, maintenant bien présent
à toute ma peau. Sans relâcher le corset elle
passe dans mon dos. "Cela va vous aller comme un gant, mademoiselle,
n'ayez pas peur de respirer, je vais serrer doucement". J'entends le
glissement du lacet dans les oeillets, ses doigts rapides
démêlent, tendent, tirent, et je sens la tension
s'installer tout doucement. Je me tiens bien droite. En quelques
instants le laçage est bien fermé, le corset
m'épouse tout en douceur.
C'est moi cette fille sexy et souriante
dans le miroir... "Je ne vais pas vous serrer trop fort" dit-elle, son
reflet souriant au mien. Cependant elle a repris le serrage.
Régulièrement et posément elle
raccourcit le laçage. La tension sur ma peau est partout,
les balconnets appuient sous mes seins, mon ventre est
comprimé, une oppression s'installe. De temps en tenmps elle
appuie une main ferme dans mon dos, pendant que l'autre tire sur le
lacet. Maintenant j'ai de courtes respirations oppressées,
je ressens l'emprise à chaque centimètre
carré couvert. Ma peau bouillonne de sensations, visage,
épaules et seins découverts, jambes
gainées de nylon, cuisses et fesses, et tout ce milieu de
moi gainé, mon coeur qui bat à aller toucher les
baleines, chaleur dans mon ventre, seins palpitants, épaules
et cou parcourus de frôlements - ce n'est que l'air de la
pièce. Doucement elle achève un noeud savant dans
mon dos, sa main s'appuie sur mon épaule et m'invite
à me relever. Et à contempler la nouvelle Ariane,
fleur noire à l'endroit d'où
s'épanouissent mes seins, mes épaules, mon cou,
mon visage, fleur noir à l'envers qui s'ouvre sur mes
hanches et mes cuisses. J'ai soudainement envie de cette Ariane, de lui
donner du plaisir, je me sens m'ouvrir, je me souris. Demi-tour, je
regarde derrière moi pour admirer l'oeuvre de l'artiste, une
broderie de lacet implacablement serrant son emprise. Je veux remonter
sur mes talons, me cambrer, sensation de confort au milieu de
l'inconfort. Je me souviens de mes leçons de chant et
m'applique à respirer par le bas, à m'appuyer sur
mon périnéee pour me relâcher,
abandonner mes côtes à la prégnance du
corset. "Désirez-vous autre chose ?
- oui ... je voudrais bien des gants, des gants longs s'il vous
plaît, (in petto, je suis bien décidée
à aller au bout de cette petite fête des sens)
mais avant, voudriez-vous m'aider à attacher mes bas ?
Je tire un peu vers le haut mon bas gauche, elle tend une jarretelle et
la pince sur l'élastique. Superflu cet élastique,
la prochaine fois je porterai pour Hélène de
vrais bas, mais si agréable à voir. A sentir la
main de l'aimable vendeuse frôles mes cuisses, je sens des
vagues de désir, Mais déjà elle a
ajusté les bas et quitte prestement la pièce.
Toute neuve, je me redécouvre. Je caresse du bout des doigts
l'étoffe tendue qui m'a prise, ma peau sous elle, je
contemple mes seins comme jaillissant de leur gaine. Je fais mine
d'ajuster mes bas, et en m'inclinant je découvre la douce
résistance qu'oppose ma nouvelle armure à tout
mes mouvements. Je me sens comme dans la main de King Kong, une main
qui tiendrait à me dresser à un port majestueux,
à des mouvements lents, et qui me prendrait dans sa chaleur
sans hésitation ni relâche...
La gentille dame, qui voit déjà mes euros remplir
son tiroir-caisse est revenue avec un carton plat et
allongé. Dans le bruissement du papier de soie, je
découvre une paire de gants d'une moire somptueuse, qui
doivent m'arriver à l'épaule... Je souris en
tentant de réfréner mon impatience, j'offre un
bras mollement allongé. Aussi posément que pour
lacer le corset, la dame extrait le gant de son écrin, le
déplie et le fait glisser le long de ma main, de mon
poignet, de mon avant-bras ... Je me mords la lèvre, je
retiens mon souffle, je vibre des ondes de plaisir que me donne cette
pénétration à l'envers. De nouveau je
ressens au plus profond un désir pour cette femme si douce,
pour la créature toute nouvelle que je deviens, pour toi
Hélène si lointaine et si proche. Le satin me
gaine parfaitement, il accompagne chaque mouvement de chatoiements, de
bruissements et surtout de sa présence à ma peau.
L'ourlet du gant sur mon bras, le bord du corset sous mes seins, la
bordure de mes bas, ces démarcations vibrent de sensations
nouvelles et de contrastes sensuels. Sous ces contraintes toutes neuves
je me sens libre, dans une vérité qui sommeillait
en moi et s'impose en douceur.
J'ai quitté le tabouret et je me pavane en jouissant
intensément de ma vue. Grâce à un
second miroir dégagé par la vendeuse, je peux
admirer sans contorsions la vue de mon dos cambré et
centré, de mes fesses surlignées par les
jarretelles et de mes jambes longues et lisses.
Côté face, le bas du corset, les jarretelles et
les bas dessinent un cadre, comme un écrin
précieux pour mon triangle vibrant de désir et de
plaisir narcissique. Mon excitation doit être
évidente car la vendeuse a rougi, elle qui pourtant doit en
voir, dans l'intimité de ces femmes qu'elle pare et
métamorphose. Proche d'elle à la
frôler, je m'amuse de son trouble en lui demandant de m'aider
à enfiler jupe et blouse par-dessus mes habits neufs, car je
ne veux pas les quitter maintenant qu'ils m'ont dans la peau.
Maintenant c'est elle qui s'agenouille, le flash d'une domination toute
en sensualité de cette esclave passagère me
traverse l'esprit. Contacts fugitifs, je m'offre aux mains qui me
rhabillent, ai-je entendu un léger soupir lorsqu'elle a
bouclé ma ceinture et vu refermé le dernier
bouton ?
Nous nous dirigeons lentement vers la
caisse, au passage elle saisit une rose dans un soliflore et me la tend
"en cadeau de la maison". "Merci mademoiselle, vous êtes
très gentille", et spontanément je l'embrasse, je
sens son eau de toilette, c'est presque par hasard que mes
lèvres effleurent les siennes ...
Dans la rue. Une tout nouvelle démarche. Malgré
la fraîcheur de l'automne, je garde ma veste à la
main, seins dressés, fière, en marche vers
Hélène ...